
Je suis jalouse, et ça me stimule !
De lui, de mes amies, de mes collègues.
Son ex a une chevelure de lionne, votre collègue un bureau côté soleil. C’est fou tout ce que possèdent les autres et que vous n’avez pas. L’envie vous tenaille ? Profitez-en : être jalouse, ça donne aussi des ailes. La preuve.
Votre nouvelle collègue de boulot ? Une arriviste d’1,78 m, mignonne et tout sourire. surtout avec les hommes ! D’ailleurs, toutes les filles le disent et les couloirs bruissent de chuchotements ( » Venir bosser dès le premier jour en minijupe, faut le faire « , » Ce matin, ça cocotait le parfum dans tout le bureau « , etc.). Soyons honnêtes : le seul défaut de cette jeune recrue c’est qu’elle est jolie et pas bête.
Une aventure vécue par Sonia, 31 ans. » Il y a deux ans, quand j’ai pris mon nouveau poste, j’ai changé de service. Je ne connaissais pas grand monde et, au début, j’ai senti une hostilité, raconte la jeune femme. Personne n’était capable de me dire où se déroulait la réunion qui avait commencé depuis cinq minutes, et mes collègues partaient boire le café le matin sans m’inviter à les rejoindre. Mais j’ai tenu bon et la situation a évolué. Plus tard, une collègue m’a avoué qu’elle avait été ulcérée de me voir débarquer, moi, la petite jeune, avec ma réputation de bonne élève irréprochable. Aucune n’avait supporté la concurrence. «
Le mot est lâché. Envie, rivalité, jalousie. même combat ?
C’est quoi être jalouse ?
» Schématiquement, l’envie est une réaction de rage devant ce qu’autrui possède et que nous n’avons pas nous-même, explique Samuel Lepastier, psychiatre. Cette réaction de destruction peut aboutir à anéantir ce que l’autre a. La jalousie est un mouvement plus élaboré qui consiste, d’une façon générale, à souhaiter obtenir ce que l’autre a et l’avoir pour soi seul. » Autrement dit, si vous envisagez de renverser, comme par mégarde, un pot de peinture bleu canard sur le tailleur blanc cassé de votre meilleure copine, sous prétexte qu’il est trop sublime pour elle, vous êtes en proie à l’envie.
Si vous pensez juste : » J’aimerais bien pouvoir m’offrir le même « , c’est de la jalousie. Et si vous vous dites : » Le mois prochain, je m’offre le même avec le sac assorti « , vous entrez dans la compétition. Dans son ouvrage La puissance des émotions*, la psychologue Michelle Larivey associe la jalousie à la colère. » Mais ce n’est pas tout, car ce que j’envie est peut-être à ma portée. Il s’agirait que je fasse ce qu’il faut pour l’obtenir. Seulement voilà : je ne veux pas ! En fait, ce qui me révolte c’est d’avoir à faire certaines choses pour obtenir ce qui me fait envie. » En réalité, donc, la jalousie est une notion complexe qui se décline en une palette de sensations (aigreur, déception, colère) et d’effets (de la compétition à la jalousie chronique). Mais c’est une émotion universelle qui nous touche toutes, sans exception, à des degrés divers.
Un terrible besoin d’amour
À l’origine de la jalousie, il existe une multitude de causes (des doutes sur la fidélité de son conjoint, une collègue qui fait de l’ombre, une amie qui attire les regards). Mais fondamentalement, on revient toujours à la même explication : le besoin d’amour. » Au fond, nous passons notre vie à rechercher l’amour, analyse le docteur Lepastier. Lorsqu’une femme est jalouse d’une autre, c’est qu’elle a l’impression que sa rivale est plus comblée qu’elle. Ce qui compte, c’est le sentiment que nous serions plus heureux, et surtout mieux aimés, si nous prenions la place de l’autre. » Jalouses, nous exprimons en réalité notre irrépressible soif d’amour !
» Quand j’étais étudiante, se souvient Isabelle, 33 ans, j’avais une très bonne copine qui s’appelait Nathalie. On était tout le temps fourrées ensemble, on sortait beaucoup. C’était une fille sublime et tous les garçons lui tournaient autour. Moi, rien. Inodore et sans saveur. Oh, bien sûr, je récoltais parfois les oiseaux tombés du nid, qui s’apercevaient brusquement de ma présence, mais ça n’allait jamais bien loin. Un jour, on s’est disputées pour une broutille et on ne s’est plus vues. Plus tard, je me suis rendue compte que j’admirais cette fille, mais qu’en même temps j’étais terriblement jalouse de son succès qui me faisait me sentir moche, nulle. «
L’histoire d’Isabelle illustre bien cette impression : celle qui est plus séduisante récolte plus facilement l’amour d’autrui. Qu’il s’agisse d’aisance matérielle, de beauté, d’élégance ou de reconnaissance sociale, tout converge vers ce besoin vital, irrémédiable : l’amour. Ainsi, nombreux sont les spécialistes qui évoquent l’origine de la jalousie par la rivalité fraternelle. En fait, on revient toujours au même point, celui d’une » compétition entre frères et sœurs pour avoir l’amour des parents, souligne Samuel Lepastier.
Retrouver confiance en soi
De plus, si les hommes sont davantage sensibles à la prestance, à la reconnaissance, » les femmes vivent toujours dans la crainte d’être abandonnées, d’aimer sans être payées en retour. Donc, tout ce qui permet de s’assurer de l’amour de l’autre est quelque chose de désirable « , poursuit le psychiatre. Dès lors, la règle tombe : plus on est aimé, moins on est jaloux. » Pendant mon adolescence, et même un peu après, je supportais mal les filles à la féminité exacerbée, raconte Émilie, 35 ans. Je les trouvais provocatrices, dangereuses, superficielles. Bref, je ne les aimais pas ! J’ai eu des histoires compliquées avec quelques garçons et puis, un jour, j’ai rencontré mon actuel mari. Petit à petit, parce que j’avais envie de le séduire, parce que je voulais qu’il me trouve attirante, jolie, je me suis mise à faire quelques efforts. Je me suis maquillée un peu plus, j’ai fait attention à mes cheveux, j’ai troqué mes pantalons informes contre des jupes et j’ai fini par mettre des talons ! La métamorphose était complète. Je me suis alors rendue compte qu’avant j’étais terriblement jalouse de ces filles qui s’assumaient pleinement. Aujourd’hui, quand je croise une belle nana dans la rue, je ne la regarde plus de la même façon. Je me demande ce qu’elle a de bien, j’admire, et éventuellement je prends note ! Ça a changé ma vision sur beaucoup de choses. » Aimée, regardée, considérée, Émilie s’est affranchie de ses complexes, et a donc jeté sa jalousie aux orties.
